Histoire des béguinages à Liège
Le célèbre historien Godefroid Kurth rattache la naissance du mouvement béguinal à l’action d’un prêtre liégeois, Lambert le Bègue, prédicateur infatigable, soupçonné d’hétérodoxie, traducteur, en langue romane, des Actes des Apôtres et des Épîtres de saint Paul, qui a vécu de 1131 au début du XIIIè siècle. Lambert Le Bègue est ainsi surnommé par ce qu’il souffrait d’une difficulté de prononciation. C’était, disent les historiens, un homme très riche, peu instruit mais animé d’un grand zèle envers Dieu. Il fit construire sur ses propriétés, vers 1179, une église en l’honneur de saint Christophe. Autour de celle-ci il édifia de petites habitations à l’usage de femmes et de jeunes filles dévotes, qui voulaient renoncer au mariage et vivre dans la tranquillité et le culte de la vertu. Ces personnes, furent appelées béguines, du surnom de bègue donné à Lambert. D’aucuns ont attribué la fondation des béguines à sainte Begge, au VIIe siècle. De nombreux témoignages historiques prouvent que cette opinion est erronée. Cette institution, si modeste à son berceau, prit bientôt en Belgique, en France et aux Pays-Bas, un développement considérable. Lambert le Bègue mourrut en 1182 et fut inhumé à Saint-Christophe, dans l’église qu’il avait bâtie, au milieu des béguinages qu’il avait créés.
Si l’on examine les manifestations de la vie spirituelle liégeoise de la fin du XIIe au début du XIIIe siècle, deux constatations se dégagent assez rapidement d’un coup d’œil d’ensemble sur les sources. D’abord, le caractère varié, multiforme, de cette activité spirituelle qui, d’une stricte orthodoxie, glisse facilement vers
une expression plus suspecte de la piété. Le pire y voisine avec le meilleur : extases hystériques de la veuve Odile, mysticisme de Marie d’Oignies, visions de sainte Julienne, vie cachée d’Ève de Saint-Martin. Deuxième
caractère: l’importance des femmes dans la plupart de ces courants de piété. L’inventaire en serait long, mais les figures de Marie d’Oignies, d’Yvette de Huy, de Julienne de Cornillon y prennent un caractère particulier.
L’institution de la Fête-Dieu en 1246 en formerait l’événement majeur et l’apogée, tandis que la toile de fond serait formée par le décor architectural des béguinages et la foule pittoresque qui les habite ou gravite autour de ceux-ci. De ces établissements où de pieuses femmes vivaient dans des maisons groupées
autour d’une église : les béguinages.
Les béguinages rassemblaient des femmes ou des hommes, célibataires ou veufs, désireux de vivre en communauté tout en gardant la liberté de sortir et en s’abstenant de prononcer des voeux comme les moines et moniales.
Dans les béguinages de femmes, les pensionnaires, appelées béguines, portaient un vêtement et une coiffe distinctifs. Elles soignaient les malades, faisaient des travaux de tissage, s’adonnaient à la prière. Pour beaucoup, ce choix de vie était une façon d’éviter un mariage imposé et de garder leur indépendance… Apparus plus tard, ans les béguinages d’hommes proposaient à leurs pensionnaires, appelés bégards, des travaux manuels aussi bien que la prière ou la mendicité !
La Belgique a compté au XIIIe siècle jusqu’à 90 béguinages, ensembles de maisonnettes groupées dans un enclos, autour d’une église, dont vingt pour la seule ville de Liège. L’institution s’est diffusée aussi en Rhénanie, en Alsace et également à Paris où le roi saint Louis a fondé un béguinage. Proche des ordres mendiants, franciscains ou dominicains, les béguinages sont pour beaucoup tombés sous l’influence de mystiques en marge de l’Église, ce qui a justifié leur dissolution par le concile de Vienne, en 1311. Mais dix ans plus tard, le pape Jean XXII les a autorisés à nouveau.
Au début du XIVe siècle, on a compté jusqu’à 200 000 béguards et béguines en Europe. Les institutions ont ensuite décliné et quasiment disparu à la Renaissance, à quelques exceptions près. Bruges et Gand se flattent de posséder quelques beaux exemples de béguinages anciens.
Le béguin, coiffe que portent avec constance les béguines, est à l’origine de l’expression : « avoir le béguin » (avoir une attirance pour quelqu’un ou quelque chose).
À la fin de l’Ancien Régime, on compte dans la Cité de Liège une quarantaine de béguinages totalisant près de 350 personnes. Ils sont disséminés dans la plupart des paroisses de la ville. Seuls deux d’entre eux ne sont pas intra-muros: le béguinage Saint-Christophe et le béguinage Sainte-Marguerite. À l’exception de Saint-Christophe, ce sont de très petites entités qui abritent un très petit nombre, ne dépassant jamais quatre ou cinq femmes et jamais plus de 20. En 1809, on compte encore dans la ville 250 béguines et 27 béguinages et gérés par la « Caisse des béguinages ». Elles sont en général âgées, certains règlements exigeant l’âge minimum de 60 ans. En 1826, elles sont toujours près de 350. La révolution de 1829 va les transformer en « Fondation », les usages religieux n’étant plus de mise depuis longtemps. Leur nombre est fixé à trois cents.
Les béguinages liégeois vont devenir peu à peu des institutions de bienfaisance mixte qui relèvent plus de l’hospice et de l’aide à domicile réservés en priorité aux femmes âgées ou infirmes, jouissant malgré tout d’une liberté plus grande qu’à l’hospice.
Les Béguinages de Liège sur wikipedia
Charte de vie du béguinage contemporain de Cornillon
Appartements et maisons du béguinage contemporain de Cornillon